A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Une réhabilitation bienvenue
À contretemps, n° 40, mai 2011
Article mis en ligne le 13 octobre 2012
dernière modification le 24 janvier 2015

par F.G.

■ Evelyn MESQUIDA
LA NUEVE
Los españoles que liberaron París

Prologue de Jorge Semprún
Barcelone, Ediciones B., 2008, 296 p.

Pour les avoir aperçues au détour de documents d’époque, on se souvient de ces images de la libération de Paris, en août 1944, où, sur la place de l’Hôtel de Ville reconquise, stationnent des chars de combat aux appellations insolites : Guadalajara, Brunete, Teruel, Madrid, Ebro, Belchite, Santander. Rapidement nationalisée, la double mémoire – gaulliste et communiste – de l’événement fit, en réalité, peu de cas de ces drôles de libérateurs espagnols qui, intégrés à la 9e compagnie du 3e bataillon de la Seconde Division blindée du général Leclerc – dite « la Nueve » –, entrèrent les premiers dans Paris occupé, arborant fièrement sur leurs engins les noms des anciennes batailles d’une guerre d’Espagne dont ils avaient été, sans que cela ne perturbe outre mesure les grandes démocraties, les seuls vaincus. Réécrite aux couleurs patriotiques, la Libération se devait forcément d’être française, et donc de passer par pertes et profits tout ce qui ne l’était pas : les « Espingouins » de « la Nueve » comme les « métèques » de la FTP-MOI. Il fallut attendre longtemps pour que, ici ou là, resurgisse cette mémoire enfouie dans les plis du drapeau tricolore. Très informé, le livre d’Evelyn Mesquida, dont une traduction française serait bienvenue, participe largement à cette entreprise de redécouverte mémorielle et de réhabilitation historique. Son point de départ est une enquête, entreprise à la fin des années 1990, sur les derniers survivants de « la Nueve ». Elle en retrouva sept acceptant de raconter leur histoire – Fermín Pujol, Manuel Lozano, Faustino Solana, Luis Royo, Daniel Hernández, Rafael Gómez, Germán Arrúe –, auxquels se joignirent Manuel Fernández et Víctor Lantes qui, sans avoir été à proprement parler membres de « la Nueve », participèrent à son aventure comme membres du Régiment de chars de combat. S’appuyant sur ces entretiens, le livre reconstruit minutieusement l’épopée de ce bataillon d’infanterie de choc – essentiellement composé d’anarchistes et de républicains – qui connut l’épreuve du feu en terre africaine et vainquit l’Afrika Korps de Rommel. Raymond Dronne, qui insistait souvent sur l’antimilitarisme et l’idéalisme des hommes qu’il avait sous son commandement, disait d’eux : « S’ils embrassèrent volontairement notre cause, c’était parce qu’ils y voyaient la cause de la liberté. Ils étaient des combattants de la liberté. » Cette même idée de la liberté pour laquelle ils avaient combattu en Espagne quand Philippe de Hautecloque, futur « général Leclerc », se réjouissait du coup d’État de Franco. D’Afrique en Angleterre, du débarquement en Normandie à la libération de Paris, des durs combats pour la libération de Strasbourg à Berschtesgaden, cette idée de la liberté brilla de la même incandescence, celle-ci ne déclinant que le jour où les hommes de « la Nueve » comprirent que, pour les Alliés, la libération s’arrêterait aux Pyrénées. Partis à cent quarante-quatre, ses survivants n’étaient plus que seize qui, de combattants, devinrent alors des exilés définitifs. Le bel hommage que leur rend Evelyn Mesquida était amplement mérité.

Freddy GOMEZ