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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Carlo Rosselli et Giustizia e Libertà
Vers la révolution antifasciste
Article mis en ligne le 21 mars 2022

par F.G.


■ En cette sale époque où plane sur nos têtes le vol noir de corbeaux que, par méfiance des raccourcis hasardeux, nous laisserons l’histoire juger de sa nature, il n’en demeure pas moins que l’incomparable démagogie de ceux qui les inspirent, dans une « démocratie » déjà réduite à portion congrue par cinq ans de macronisme, est le signe évident d’une pourriture en fermentation. Et, pour le peuple dont ils se réclament, une sûre promesse de calvaire. La caractéristique de cette confuse époque, c’est sans doute d’avoir laissé l’expertise la rendre glauque à un point tel qu’il n’est plus rare désormais d’entendre ses commis mettre dans le même panier un antifasciste et un nazillon au prétexte que les deux communieraient dans la même idéologie de la violence. Ainsi, d’allègres crimes contre l’intelligence en funestes quêtes de buzz, le spectacle médiatique a monté en sauce l’idéologie de la haine jusqu’à des étiages insoupçonnés.

C’est d’une autre ère dont il est question ici, celle où, en Italie, il y a de cela un siècle, un personnage d’opérette, Benito Mussolini, ex-socialiste, fonda le fascisme en marchant sur Rome avec le brillant résultat qu’on sait. En contre, une organisation originale, Giustizia e Libertà, regroupa, dans les coursives des confins et de l’exil, des antifascistes – le plus souvent d’origine socialiste, libérale (au sens noble du terme) et libertaire –, ne se limitant pas à affirmer des idées, mais prônant, au nom de la liberté, de la république et de la justice sociale, une unité d’action devant engager une lutte révolutionnaire visant à renverser le fascisme et à transformer la société qui l’avait créé.

Figure centrale de ce mouvement, Carlo Rosselli, né romain en 1899, fait des études de sciences politiques à Florence, puis de droit à l’université de Sienne. Très tôt, il manifeste des sympathies pour le Parti socialiste italien. En 1922, à Turin, il fréquente le groupe de la revue de Piero Gobetti, La Rivoluzione Liberale. Après un séjour à Londres, il enseigne à l’université Bocconi de Milan, puis à Gênes. Arrêté en 1926 par les sbires du Duce, il est emprisonné, puis assigné à résidence à l’île de Lipari, d’où il s’enfuit par mer en 1929 pour gagner la Tunisie avant de se réfugier en France. C’est à Paris qu’il fonde, avec ses camarades Emilio Lussu (1890-1975) et Francesco Fausto Nitti (1899-1974), le mouvement Giustizia e Libertà (GL) et un journal du même nom. En 1930, il publie en français Socialisme libéral, une étude qui aspire à raviver la pensée socialiste en puisant à diverses traditions : le libéralisme politique, le républicanisme, le marxisme et l’anarchisme. Quand éclate la guerre d’Espagne, Rosselli et ses camarades de GL y voient une occasion unique, celle du premier combat en armes contre le fascisme. Ils intègrent la « section italienne » – créé par Rosselli lui-même et l’anarchiste Camillo Berneri (1897-1937) – de la colonne « Francisco Ascaso ». Blessé, Rosselli rentre en France. En juin 1937, il est rejoint par son frère Nello à Bagnoles-de-l’Orne, en Normandie. Sur ordre de Mussolini, l’OVRA, la police politique fasciste, sous-traite leur assassinat à La Cagoule. Plus de 100 000 personnes suivront les obsèques des deux frères au cimetière parisien du Père-Lachaise.

L’étude de Stéfanie Prezioso [1] (université de Lausanne) que nous reprenons ici nous semble parfaitement illustrer le parcours intellectuel et d’homme d’action de Carlo Rosselli, « l’un des analystes les plus fins du fascisme italien et des conditions liées à la nécessaire révolution antifasciste ».

Bonne lecture !

– À contretemps –


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