Bandeau
A Contretemps, Bulletin bibliographique
Slogan du site
Descriptif du site
Soutenir l’esprit de non-puissance
Un entretien avec Renaud Garcia
Article mis en ligne le 24 janvier 2022
dernière modification le 7 février 2022

par F.G.


Texte en PDF

■ À l’occasion de la parution en espagnol – aux éditions La Cebra, maison argentine [1] –, de La Collapsologie ou l’écologie mutilée [2], Renaud Garcia nous a transmis, en amitié, le texte de l’entretien qu’il a accordé au quotidien Clarín, institution buenos-airienne s’il en est. Il fut publié en tout début d’année, en pages « Idées », après avoir été ramené au format journalistique admis, c’est-à-dire raccourci. Le texte que nous donnons ici, en français, est la version complète et inédite de l’entretien. Nous lui adjoignons, par ailleurs, le PDF de la version en espagnol. Comme c’est rarement le cas en matière journalistique, ici les questions sont plutôt bonnes. Elles permettent, en tout cas, à Renaud Garcia de dérouler son argumentaire en entrant dans les détails. Bonne lecture !




Vous placez la collapsologie dans la catégorie du spectaculaire. Est-ce à dire qu’il s’agit d’un discours purement pragmatique ?

Assurément, le discours des collapsologues (c’est-à-dire cet ensemble de constatations scientifiques à propos d’un effondrement plus ou moins proche de notre civilisation industrielle, auxquelles s’ajoutent des considérations sur les recours émotionnels et sociaux dont nous disposons face à cet effondrement) produit des effets réels dans le public. En effet, il fait changer certaines personnes, habitant souvent les métropoles. Elles comprennent subitement qu’elles ne pourront continuer de vivre innocemment comme avant. Je ne mets pas cela en doute.

Il y a pourtant un autre aspect qui m’intéresse davantage : la fonction de ce discours dans un cadre médiatique et éditorial. Dès le début – c’est tout à fait clair, en France, si on lit les ouvrages de Chapelle, Stevens et Servigne –, la collapsologie a recherché l’approbation des masses. Afin d’y parvenir, elle a dû délivrer un discours sans contours saillants ; un discours fondé sur un appel à l’entraide, à la bienveillance et au soin apporté à tout ce qui vit. Il fallait mobiliser, il fallait jouer sur les émotions, de sorte que les gens se réveillent. En laissant ainsi de côté une critique plus fine et structurée de la logique de destruction propre au capitalisme technologique.

Bien entendu, cela ne signifie pas que la théorie devrait se détacher de la vie et de l’action. Le fait même d’essayer de comprendre le monde dans lequel nous vivons est, en soi, une preuve de notre croyance dans les effets que les idées produisent dans la réalité, aussi minimes soient-ils. En ce sens-là, philosophiquement parlant, on doit reconnaître le caractère pragmatique des idées, agencées sous la forme de théories. Néanmoins, avec le discours des collapsologues (en France, en Belgique, en Espagne et parfois en Amérique du Nord), il y a autre chose : ce discours répond à une demande médiatique, dans une époque de « transition écologique » où les gouvernements affirment que le plus urgent est d’organiser la « résilience ». Mise en pratique par exemple après le désastre de Fukushima, la résilience est cette méthode de participation des victimes à leur propre dépossession. Le « résilient » est l’acteur de sa survie dans un milieu dévasté. Mais s’il échoue, il en est le seul responsable.

Ainsi, la collapsologie, avec ses observations correctes sur la crise environnementale, apparaît comme un moment ou une partie du faux (autrement dit, un moment du système spectaculaire, selon Debord).

Les discours des collapsologues, particulièrement ceux qui sont liés au Green New Deal, contestent la matrice économique d’un système qui ne change pas, malgré les éventuels changements de gouvernement. Pourquoi persistez-vous à penser qu’ils ne font que s’adapter au système ?

Il faut reconnaître que la « collapsologie » ressemble à une bannière très large, voire élastique, où l’on retrouve les survivalistes (les preppers), des défenseurs de politiques de décroissance, des adeptes du Do It Yourself (Self-help) ou des secteurs liés au Green New Deal. Dans ce dernier cas, je continue de les considérer comme « adaptatifs » parce que, sous le masque de la critique d’une économie fondée sur l’énergie carbonifère, ils déploient des solutions technologiques (celles des énergies « propres », autrement dit nucléaires, fondées sur l’exploitation des terres et métaux rares) qui jettent dans un quasi-esclavage des ouvriers et des enfants en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud. Par ailleurs, ces solutions censées préparer la transition écosociale organisent la ville cybernétique de l’avenir : un système automatisé, dans lequel le citoyen connecté se trouve guidé par les machines afin de mesurer sa consommation, son empreinte carbone, etc. Il ne s’agit pas seulement d’adaptation mais d’une « sur-adaptation » qui devance les mutations du système industriel.

En France, prenons l’exemple du Technopôle de Lille, inspiré par l’œuvre du techno-prophète Jeremy Rifkin. Et notons également le projet à peine dissimulé du gouvernement français : créer, à court terme, un super-ministère de la « résilience », englobant le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Intérieur. À intervalles réguliers, des membres de la majorité présidentielle auditionnent des « experts » de la crise systémique et de l’effondrement des « systèmes complexes », afin d’évaluer les implications d’un grand plan de résilience nationale, et son degré d’acceptation de la part du public [3]

J’ajouterai que la pandémie de Covid a ouvert des opportunités pour accélérer le processus de transition à l’ombre de la catastrophe (processus que j’appelle transition technologiste, sous le masque de l’inquiétude pour le milieu vivant). Aucune théorie conspirationniste ici. Seulement le fait, déjà bien documenté, que la dynamique industrielle capitalise sur la crise. Par conséquent, lorsque certains collapsologues, comme Yves Cochet (grand artisan en son temps de la création d’un marché rentable pour l’industrie éolienne, lors de son mandat au ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire sous le gouvernement Jospin), virent dans la pandémie la confirmation de leurs prophéties d’effondrement, cela ressemblait à une sinistre plaisanterie.

Vous remarquez qu’en présence des discours et pratiques effondristes, nous devrions nous interroger sur leur cohérence et leur sens. Mais, d’une certaine façon, aujourd’hui, on pourrait accuser tout le monde de manquer de cohérence.

Voici, me semble-t-il, un exemple de manque de cohérence de la part des collapsologues : certains admettent que, si nous devions rompre la dépendance envers le système industriel, pratiquer un boycott massif de marchandises et de services serait une bonne option. En disant cela, ils reviennent à un principe fondamental de la critique anti-industrielle. Cependant, tout de suite après, ils admettent que ce serait un changement trop abrupt, étant donné qu’il est déjà difficile de faire le deuil de la civilisation « thermo-industrielle ». Parce que, d’une certaine façon, cela nous plaît de vivre ainsi, avec moins d’efforts et davantage de machines. Ainsi, ces collapsologues-là préfèrent confectionner de nouveaux récits, rêver aux imaginaires de reconstruction et de réconciliation, apprendre des méthodes pour cheminer intérieurement avant d’entreprendre un pas de côté.

Vous pourriez me secouer les puces : « Eh ! bien, vous, qui accusez les collapsologues de manquer de cohérence, qu’êtes-vous en train de faire ? Ne diffusez-vous pas vos idées par e-mail, très loin de chez vous, par-delà un océan, en vous appuyant sur un petit miracle technique ? » Question judicieuse, qu’il faut prendre en compte. J’y répondrais ainsi : nous sommes dans le bain, alors il est évident que nous sommes mouillés. À notre époque, même l’ermite (voyez Ted Kaczynski [4]) reste lié aux moyens de communication (qu’il s’agisse du courrier postal ou des transports). Pour faire cet entretien, j’aurais pu utiliser la visioconférence, mais je rejette ces instruments typiques de l’accélération technologique rendue possible par l’irruption du Covid. Je ne me sens pas non plus à l’aise avec l’image digitale, au moment où elle commence à remplacer les contacts physiques – par exemple à l’université, où se produisent un effondrement de la relation pédagogique et une pandémie de dépressions chez les étudiants. Par conséquent, je choisis le « moindre mal », et c’est en le faisant que je m’efforce d’être cohérent.

Bien souvent ceux qui attaquent les écologistes radicaux les voudraient purs. Je vis dans le monde de l’ordinateur de mauvais gré, mais c’est ainsi. Néanmoins, à l’intérieur d’un tel cadre, il reste possible de refuser les « innovations » qui promettent d’alléger la vie tandis que, de fait, elles approfondissent la dépendance à l’égard des machines, et le véritable effondrement : celui qui atteint nos capacités intellectuelles et corporelles. C’est une façon de résister contre l’oubli, en maintenant vif le souvenir de ce que l’être humain est en mesure d’accomplir avec des instruments techniques proportionnés à sa présence physique.

Vous caractérisez notre époque comme un état de présent perpétuel. Cela conduirait à penser que ce qui est révolutionnaire réside dans le passé. C’est ce qui explique que vous critiquiez des groupes comme Extinction Rebellion (XR) en soulignant chez eux un manque d’intérêt pour l’histoire. Mais ces groupes ne montrent-ils pas justement le caractère exceptionnel de notre époque, un temps de rupture où le présent a forcément une grande force ?

Si l’on se fie aux effondristes, leur caractérisation du « collapse » n’est pas claire. Ils disent habituellement qu’il est erroné de l’envisager comme un changement soudain et brutal. Il s’apparenterait plutôt à une chute progressive, sur le modèle du jeu de dominos, par secteurs successifs : la finance, le secteur de l’économie réelle, le politique et le social, sans parler de l’effondrement du milieu naturel.

Quoi qu’il en soit, cela produit un sentiment d’urgence, particulièrement (mais pas seulement) chez les générations les plus jeunes. Comme si, désormais, on ne pouvait plus penser une écologie sans « compte à rebours » (pour citer une formule de José Ardillo [5]). Il faudrait agir maintenant ou jamais étant donné que nous approchons de l’abîme.

Je reconnais que cette agitation écologiste, à la façon de XR, peut bien déboucher sur des moments de joie, qui donnent lieu à une « conscientisation » politique. Mais, d’une manière générale, il me semble que tout cela fait partie d’une culture (et particulièrement d’une culture politique) de l’oubli. Lorsqu’on laisse de côté le compte à rebours, on revient vers la critique de l’industrialisation conduite depuis, disons, Thoreau, les « néo-malthusiens » français et ibériques [6] et la contre-culture des années 1960 et 1970 (avec des personnages comme Theodore Roszak, Murray Bookchin, Paul Goodman aux États-Unis, Ivan Illich au Mexique ou le mathématicien Grothendieck avec Survivre et vivre, et le dessinateur Pierre Fournier avec le journal La Gueule ouverte). Sans même évoquer les anticipations de la science-fiction, voilà qui permet d’ouvrir la perspective, au-delà des graphiques et des chiffres des études du Club de Rome, la référence centrale des collapsologues. Une fois ouvert, l’horizon critique revient vers la racine du processus de dépossession industrielle, ce qui permet de mieux comprendre ce qui arrive aujourd’hui. Bien entendu, le passé est passé. Mais, sans mémoire, on se verra contraint à tout recommencer de zéro et à tomber dans les mêmes pièges. Ceux de l’écologie officielle, environnementale, qui a réduit au silence les voix de l’écologie « radicale ».

Quand vous dites que les confinements ont été des galops d’essai pour le capitalisme technologique, et que vous évoquez le passage au « Novacene » [7], faut-il penser que l’humain est en voie d’extinction ? En ce sens, que peut bien signifier être anarchiste aujourd’hui ? Est-ce que cela est lié au fait de retrouver l’humain ?

Il est nécessaire de cerner le front principal de la lutte de notre époque : c’est celui de l’avancée de la « société de contrainte », comme l’appelle Pièces et main d’œuvre. Un exemple : vous voulez prendre le métro dans une grande ville et vous cherchez des carnets de tickets ? Eh ! bien, il va vous falloir acheter un smartphone, ou ne jamais l’oublier chez vous, ou bien encore vous servir de vos pieds ou du vélo parce que bientôt tout sera digitalisé. Comment ? On ne vous a pas consulté ? Ne prenez pas l’air si grave, cela est fait pour vous soulager ! Telle est la société de contrainte : vous ne voulez pas de quelque chose, vous n’en avez aucunement besoin. Peu importe. Les investisseurs et les technocrates vous l’imposent, par élimination des autres options, souvent plus directes et spontanées.

La crise pandémique annonce d’autres crises étant donné que le virus, qu’il soit d’origine animale ou bien une créature de laboratoire, résulte de la dynamique sans frein du capitalisme technologique. Cet état de crise permanente fournit le cadre d’une expérience massive d’assujettissement, au nom de la sécurité et d’une santé idolâtrée. Ainsi disparaît l’être humain et, à sa place, vient l’assistant des machines, qui intériorise une vision chiffrée et contrôlée de sa propre vie. Lorsqu’on lit James Lovelock (que les médias présentent en général comme un penseur de l’écologie très inclusif, avec son image de Gaïa), avec sa prophétie du Novacène (l’époque du remplacement de l’être humain par l’Intelligence artificielle), on a des sueurs froides. Mais il présente cela comme l’ultime étape de la réconciliation de l’être humain avec les artefacts qui agissent également à la surface de Gaïa.

De mon côté, je ne désire en aucun cas m’augmenter pour suivre le rythme du système des machines. Je ne veux pas gagner une puissance machinale au détriment de mon pouvoir humain (ce que je peux en tant qu’humain). Autrement dit, j’endosse le caractère humble et fragile de l’être humain, qui ne peut vivre en étant coupé de son lien avec la nature (extérieure comme intérieure). Dans la mesure où le capitalisme technologique doit conquérir de plus en plus de territoires (extérieurs comme intérieurs) pour maintenir la circulation de la valeur, en convertissant ces territoires en marchandises, il conçoit la nature – autrement dit, ce qui peut croître et se développer plus ou moins par soi-même – comme un obstacle. Mais lorsqu’on détruit la nature, on détruit aussi la liberté humaine. Il ne reste alors que des solutions scientifiques et techniques imposées par les experts pour amender les catastrophes qui résultent de l’industrialisation de la vie. Par exemple, un vaccin devenu quasiment obligatoire, mis au point en un temps record, pour soulager des conséquences mortelles d’un virus bien adapté à des sujets souffrant de maladies « industrielles », c’est-à-dire dues à la pollution, à la sédentarité, à l’alimentation toxique, au rythme de vie métropolitain (ce que Murray Bookchin avait documenté dès 1962 dans son étude Notre environnement synthétique [8]). Par conséquent, critiquer ce cycle mortifère, c’est retrouver une conception relationnelle de l’être humain, organisme complet lié à son milieu vivant, perspective illustrée par Kropotkine dans L’Entraide [9].

Mais cette défense de l’humain ne finit-elle pas par promouvoir un sujet faible, ou affaibli, pour combattre le système ?

Que pourrait être une écologie complète, au-delà de sa mutilation telle que l’illustre le discours des collapsologues ? Pour sûr, cette écologie ne s’en remet à aucun espoir, mais elle maintient des images et des inspirations venues du passé afin d’agir dans le présent. Nous ne pouvons nous passer de visions émouvantes pour nous tenir debout dans une société de contrainte. Je pense ici au Docteur Rieux dans La Peste, d’Albert Camus. Rieux continue de travailler, de soigner dans un temps d’angoisse et de confinement. Il revient se nourrir au contact charnel et innocent avec les éléments, la lumière du soleil, l’eau de la mer et la solidarité avec son compagnon de baignade Jean Tarrou. Rieux éprouve la première des libertés, la liberté fondamentale : se sentir vivant. Au passage, cela ne requiert nul programme de « reconnexion » avec la toile du vivant, ou d’autres protocoles pour mieux s’adapter au désastre.

C’est peut-être peu de choses que de retrouver cette liberté fondamentale. Elle n’en constitue pas moins la base sans laquelle aucune autre liberté n’est possible. Si soutenir une relation sensible et sensorielle avec le monde ne vous importe pas, de même que les effets de vos efforts physiques, alors vous êtes prêt à renoncer à votre liberté d’être humain en faveur de la délivrance octroyée par le système industriel [10]. Et ce mouvement de libération n’a, a priori, pas de fin : il y aura toujours quelque chose que des systèmes automatisés pourront prendre en charge, qu’il s’agisse de trouver un « partenaire », de faire l’amour, de faire de l’exercice, d’admirer un paysage ou même de respirer.

Je sais bien que défendre la liberté à ce niveau suppose de renoncer au désir de puissance – une idée majeure des textes de l’écologie radicale, par exemple chez Ellul, Mumford ou l’anarchiste allemand Gustav Landauer. Je sais également que, face aux moyens industriels, cela implique un individu faible, exposé à l’échec. C’est la difficulté à laquelle je me trouve confronté dans mon livre. Mais, lorsque font défaut les perspectives et l’appui des masses, que nous reste-t-il hormis soutenir, en chacun, l’esprit de non-puissance ? À défaut de toujours lutter à armes égales, nous nous débattons dans une toile coercitive, en refusant l’escalade des moyens.

Je voulais évoquer pour terminer les Gilets jaunes. Y a-t-il en germe, dans cette expérience, une forme d’anarchisme ? Une façon dont l’anarchisme pourrait s’exprimer aujourd’hui, au-delà de ce que ses partisans définissent comme tel. Mais quid de cet esprit libertaire s’il intègre des formes réactionnaires ? Les Gilets jaunes ne courent-ils pas ce risque ? Et pour finir, sont-ils une résurgence du peuple tel qu’on pourrait le penser aujourd’hui, sous la catégorie des déclassés ?

En France, un événement historique s’est produit en 2018-2019 avec le soulèvement des Gilets jaunes. Vous avez raison : une éruption du peuple, c’est-à-dire des déclassés, presque moins que des humains pour la technocratie qui les a méprisés des années durant. Ce fut un mouvement très bigarré, divers selon les villes, les villages de campagne et selon le niveau de revendication. Un observateur extérieur pourrait dire qu’ils ne sont pas parvenus à approfondir la critique politique en direction de la question écologique. Un autre pourrait affirmer qu’ils étaient accaparés plus que de raison par les réseaux sociaux. C’est juste, mais en même temps, ce sont là des propos arrogants venus d’intellectuels ou d’universitaires. De fait, ces derniers n’ont rien compris à ce qui se passait. Pire, ils ont accablé les Gilets jaunes de leur mépris. Ce qui est, me semble-t-il, une grande honte pour les « intellectuels » français, en particulier de gauche extrême.

D’une façon singulière, les Gilets jaunes ont redécouvert les bases politiques de l’anarchisme – refus de tout représentant, opportunité de s’exprimer ouvertement, y compris pour proférer des idioties, acceptation du conflit, solidarité et force collective (soit, tout ce qui manque dans les manifestations pour « sauver » le Climat –, mais les participants de ces dernières appartiennent à une autre classe sociale !).

Oui, il s’est trouvé parmi eux des éléments « réactionnaires », nationalistes, ou tout ce qui peut symboliser le mal politique. Mais, souvenons-nous : il faut distinguer entre la cohérence et la pureté. Un mouvement pur ? Non. Mais où a-t-on jamais trouvé un tel mouvement, hormis dans les programmes des doctrinaires ? Un mouvement cohérent ? Assurément, une fois que l’on prend en compte qu’ils ont appris seuls, et qu’ils ont fait ce qu’ils devaient faire pour rehausser le digne visage de l’humanité commune. Pour toutes ces raisons, il est impossible de se représenter cet événement comme le font les collapsologues français : une convulsion prévisible sur la courbe folle de l’effondrement global. Voilà un angle d’analyse froid et statistique qui annule le potentiel révolutionnaire de ce soulèvement.

Les Gilets jaunes ont ouvert une brèche politique et sociale. Une fois encore, nous ne devons pas l’oublier.

Entretien en espagnol

Dans la même rubrique