A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Démocratie, insurgence et utopie
Un entretien avec Miguel Abensour
Article mis en ligne le 29 novembre 2021
dernière modification le 7 février 2022

par F.G.

■ Disparu en 2017, Miguel Abensour fut un penseur tenace et infatigable de l’émancipation. Libertaire au plus noble sens du terme, c’est-à-dire cultivant avec constance sa liberté de penser en dehors de toute chapelle et contre les doxas dominantes, il fut l’un des rares philosophes à maintenir, dans la grande glissade vers le conformisme frileux des années 1980, une position de résistance au consensus qui se mettait en place, au sein de la caste médiatico-intellectuelle, autour de l’idée vulgaire qu’il n’y avait désormais aucune alternative désirable qui fût opposable au néo-libéralisme triomphant. En cela et pour cela, son refus déterminé de se soumettre à « l’air que nous respirions » – pour parler comme Jacques Rancière – fut, pour quelques-uns d’entre nous, dans cette période de délitement généralisée de la pensée émancipatrice, un bel encouragement à maintenir son cap.

Face aux marxistes repentis et à certains « libertaires » inspirés par les écrits de François Furet, la détermination d’Abensour fut, en effet, radicale à penser la démocratie contre l’État, à ne rien céder sur son caractère nécessairement insurgent, à souligner son invariante aspiration à fonder la liberté par l’égalité, à imaginer les contours d’une communauté humaine extérieure au Monstre froid susceptible d’incarner l’agir politique contre sa domination. De livre en livre, il s’attacha à élargir la perspective d’émancipation en l’ouvrant à de nouvelles pistes. Singulièrement explorées et toujours confrontées à sa critique incisive des figures du pouvoir, les constellations incessamment tissées par Abensour – de Saint-Just au jeune Marx, de Leroux à Levinas, de Blanqui à Benjamin, de La Boétie aux utopistes – demeurent, en ces temps actuels d’égarement et de confusion, des repères indispensables pour sortir de l’impensée politique d’un moment historique qui, par ailleurs, frémit, dans tous les bas-fonds de la dépossession, de colères logiques contre ce monde à l’agonie et de nouvelles insurgences contre le sort qui nous accable.

C’est en hommage à l’incontournable apport de Miguel Abensour à des thématiques qui nous sont chères et n’en finissent pas de nous inspirer, que nous avons souhaité transcrire cet entretien qu’il avait accordé, le 26 juin 2009, à François Noudelmann, producteur et présentateur des « Vendredis de la philosophie » de France Culture. On y trouvera, nous en sommes sûrs, de quoi alimenter, aux yeux de nos lecteurs, l’hypothèse qui était la sienne : la vieille taupe creuse toujours et l’idée révolutionnaire multiplie sans fin les foyers d’invention collective et le désir d’autonomie dans les sphères du social. Car toujours l’utopie renaît d’un autre monde possible, d’un monde à réinventer, de cette communauté des « tous uns », comme il aimait à l’appeler après La Boétie, ouverte au dépassement des identités réifiantes par son inspiration infiniment subversive à l’altérité, à la pluralité et à l’égalité.

Le tout est complété d’une bibliographie, sinon exhaustive, du moins conséquente, à laquelle le curieux pourra se reporter.

Bonne lecture !

À contretemps.



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