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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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De la cégétiste gazeuse et de son usage…
Article mis en ligne le 3 mai 2021

par F.G.


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■ Loin de nous l’idée de commenter les différends qui agitent la vie interne de la CGT et moins encore l’intention de contester le rôle déterminant que jouent, dans le combat social contre la précarisation du monde, les bases cégétistes. De la résistance à la contre-réforme macronienne des retraites aux actuelles luttes contre celle de l’assurance-chômage et les innombrables plans sociaux qui tombent, elles sont au premier rang de mobilisations combattives, inventives et déterminées.

Une fois encore, cela dit, la récente manifestation parisienne du samedi 1er mai a mis en évidence, du moins à nos yeux, un clivage évident entre deux manières cégétistes radicalement opposées de tenir la rue. D’un côté, celle, classique et largement dépassée, de la direction de la CGT et des adhérents qui lui restent fidèles ; de l’autre, celle d’une sécession continue de la part de cégétistes de base chaque fois plus prompts à déserter le carré syndical pour rejoindre le cortège de tête. Celui de samedi dernier était compact, nombreux et particulièrement déterminé à ne pas laisser la police « pourrir la manif » comme elle en avait l’intention et le tenta à maintes reprises. On y trouvait de tout dans ce cortège de tête, mais surtout des Gilets jaunes et, par milliers, des partisans surmotivés de la convergence réelle des colères. Au point que la police s’est vue contrainte de reculer plusieurs fois, sous les hourras, devant la détermination des manifestants.

C’est donc dans un contexte particulièrement électrique que l’arrivée des camions de la CGT escortés de son service d’ordre, place de la Nation, a vite dégénéré en affrontements avec des manifestants excessivement remontés contre la passivité de la centrale par rapport « aux keufs ». Quant à la cause des affrontements, elle est directement liée à la stupide attitude du service d’ordre de la CGT. Et l’on peut admettre que se faire gazer en fin de manif par des « camarades » après l’avoir été, l’après-midi durant, par les flics sans que ces mêmes camarades ne réagissent, puisse pousser à l’exaspération. Rien de plus, mais rien de moins.

Le texte que nous publions ci-après nous est parvenu au lendemain du 1er mai. Signé par des « cégétistes à qui on ne la fait plus », il atteste suffisamment d’un réel déplacement d’imaginaire au sein de certaines bases de la CGT pour mériter notre attention. Et, pensons-nous, la vôtre.

Au fond, l’onde de choc des Gilets jaunes, qui ont largement contribué à remettre au goût du jour d’anciennes pratiques enterrées du syndicalisme d’action directe des origines, n’a pas fini de produire ses effets. D’autant qu’il faudra, tout le monde le sait, d’avantage que la moustache de Martinez, ses ballons, sa sono et son service d’ordre à gazeuses internes pour faire plier le patronat buveur de sang et son État policier.– À contretemps.



Comme chacun devrait le savoir, il y a, depuis belle lurette, plus de cégétistes offensifs – et de syndicalistes, en général – dans les cortèges de tête que derrière les jolis ballons des organisations de « défense » de la classe ouvrière.

Comme chacun devrait le savoir, les couleurs des chasubles ont désormais tendance à se mélanger aux avant-postes des manifestations faisant front commun contre l’État policier. Et l’effet est toujours joli : du rouge, du jaune et du noir en veux-tu en voilà pour un arc-en-ciel de colères logiques.

Comme chacun devrait le savoir, les directions syndicales ont fini par n’avoir de crédit que celui que leur concède, quand elles les servent, la caste médiatico-politique et l’État. À preuve leur collusion à propos de la castagne de fin de manif parisienne du 1er mai de cette année.

Comme chacun devrait le savoir, la CGT s’illustra souvent, du temps de sa puissance, dans la chasse aux déviants, aux gauchistes, aux anarchistes en n’hésitant pas, si nécessité faisait loi, à les livrer à la police.

Comme désormais chacun le sait, depuis ce 1er mai, son service d’ordre n’use pas de ses gazeuses contre les mercenaires de Lallement qui, depuis au moins six mois, pourrissent toutes les manifestations, mais contre celles et ceux qui, rouges, jaunes ou noirs, les font reculer et, ce faisant, dérangent le bel ordonnancement du spectacle syndicalo-plan-plan.

Au soir de cette chaude manifestation où, surarmée et ultra-présente, la police céda à divers instants du terrain devant la résistance des manifestants de tête, la direction de la CGT n’a rien trouvé de mieux que de pondre un communiqué qui vaut son pesant de moutarde. Au prétexte que, place de la Nation, « un important groupe d’individus dont certains se revendiquant gilets jaunes, ont fait usage d’une extrême violence à l’encontre des manifestants », elle les accuse d’ « insultes homophobes, sexistes, racistes », de manifestations de « haine », de « coups » et « jets de projectiles », d’« actes de vandalisation » sur ses véhicules.

Ainsi, la boucle est bouclée : ces Gilets jaunes que Martinez, pour une fois rapide comme l’éclair, traita de fascistes dès qu’ils foulèrent, en novembre 2018, les Champs-Élysées le sont bien puisque Montreuil, qui pratique l’écriture inclusive et le point médian, vous le confirment : ils sont « homophobes, sexistes et racistes », donc fascistes.

Dès lors, peu importe de savoir pourquoi les cégétistes gazeuses qui servent contre « certains gilets jaunes » ne servent jamais contre les flics. C’est comme ça.

Nous ne mangeons pas de ce pain-là.

À la prochaine manif, nous serons toujours devant, avec les jaunes, les rouges et les noirs. Et encore plus déters. Y compris contre le service d’ordre de la CGT quand il nous gazera !

Des cégétistes à qui on ne la fait plus
Paris, le 2 mai 2021.


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