■ Geneviève NAKACH
MALAQUAIS REBELLE
Paris, Le cherche midi, 2011, 384 p.
Geneviève Nakach a soutenu, en 2005, une sorbonnarde thèse sur l’auteur des inoubliables Javanais et Planète sans visa. Elle a, par ailleurs, préfacé et annoté – avec Pierre Masson – l’édition de la Correspondance André Gide-Jean Malaquais (Phébus, 2000), puis, avec Élisabeth Malaquais, l’édition de la Correspondance Norman Mailer-Jean Malaquais (Le cherche midi, 2008). Elle préside, de surcroît, la Société Jean Malaquais. C’est donc avec bienveillance que nous nous sommes plongé dans la lecture de son Malaquais rebelle, première biographie qui lui est consacrée. Avec curiosité aussi, tant nous savions que ce personnage hors normes et rétif aux enfermements ne se laisserait pas facilement cerner par son biographe. Lecture faite, cette impression était la bonne, et ce d’autant que, privilégiant l’analyse littéraire sur tout le reste, la perspective adoptée par Geneviève Nakach pour mener sa quête biographique ne permet évidemment pas de saisir en quoi cette existence, où la volonté de s’insoumettre aux mensonges idéologiques et aux grands récits de son temps joua un rôle moteur, fut si singulière. Bien sûr, Geneviève Nakach livre, ici ou là, quelques clefs – politiques – pour comprendre et le parcours de Malaquais et le sous-texte de certains de ses romans – Planète sans visa, notamment –, mais il est clair que, sur ce terrain-là, elle ne se sent pas très à l’aise, ce qui explique, sans doute, les oublis, les approximations, et même les incongruités, qui parsèment son ouvrage. Ainsi, le lecteur n’apprendra rien, ou très peu, à la lecture de ce livre, sur le positionnement politique de Malaquais, qui fut un conseilliste internationaliste conséquent et non, comme l’écrit, à deux reprises et très sottement, l’experte en littérature, un défenseur du « capitalisme d’État ». Il n’en saura pas davantage sur son implication – réelle – dans les débats qui agitèrent la planète sans visa de la gauche communiste avant guerre, sur les raisons qui motivèrent sa rupture mexicaine avec Victor Serge et Benjamin Péret, sur les liens constants qui l’unirent à Paul Mattick, théoricien du communisme de conseils, et à Maximilien Rubel, grand spécialiste de Marx. Comme si tout cela n’avait, pour Geneviève Nakach, que peu d’importance en comparaison de ses amitiés littéraires – avec Gide ou Mailer – et de son œuvre écrite. Le problème, c’est que, sans cela, sans ce soubassement, sans cette immersion indispensable dans l’univers politique qu’il fréquenta, on ne comprend pas grand-chose à Malaquais. Sauf qu’il était un grand écrivain, ce qui, soit dit en passant, s’éprouve plus nettement à lire ses livres qu’à s’aventurer dans cette très boiteuse biographie.
Jacques H. BONNEAU